[ciné] Last Days

Gus Van Sant, 2005

... On sort de là étrangement, comme si dehors tout était ralenti ...

Le film donne dans la lenteur, et pourtant de longueur il n’en est pas. On suit la déambulation d’un homme fantomatique qui plane au dessus de tout, réfugié dans un manoir au milieu des bois. Il tente de se cacher, de s’esseuler, et c’est dans son monde qu’il nous fait entrer. L’atmosphère est calme, on entend les clapotis du lac, à l’intérieur, des gens squattent la maison en passant le plus clair de leur temps à dormir, et pourtant, tout semble bruyant. Quant à lui, il marche, il marmonne, tout n’est pas très clair et pour nous non plus. On distingue quelques mots, mais un sentiment de flou nous envahit. Les gestes sont aléatoires, comme s’il était constamment en train de se réveiller lors d’un matin embué, prêt à chuter...

Le film fait des bons en arrière, pour éclaircir des moments troubles, où le spectateur hésite entre la vision de cet homme errant et celle de la réalité, dans ces moments, la caméra change aussi son champ et nous emmène de l’autre côté, là où l’on entend ce qui ce dit, ce que les autres lui disent. Tout au long, des personnages apparaissent, disparaissent, entourés de va et vient constants, lui est toujours là, flottant dans une atmosphère brumeuse, où les seuls moments de lucidité semblent être les sons de guitare et de batterie qui, tout à coup retentissent au dessus de tout. Seule envolée finale, celle du fantôme de cet homme allongé par terre, qui escalade la façade de la maisonnette de jardin, et pourtant on est là, patient, immobile, à attendre un dernier souffle emprunt d’une empathie pour le personnage. A ceux qui se posent des questions, il n’y aura pas de réponse...

Un très bon film qui suit la logique des "derniers moments de" propre à Gus Van Sant (Gerry, Elephant). Troublante ressemblance de l’acteur, qui reprend postures et manière de s’habiller de Kurt Cobain, tout est là, du gilet miteux aux lunettes fantaisies et jeans troués. Un bel hommage au chanteur de Nirvana, dont le film s’inspire tout en restant une fiction.

La réalité dans tout ça ? Celle de nos perceptions et de nos ressentis : Notre réalité.

Last Days de Gus Van Sant, 1h37, 2005.